05 octobre 2023
Dans le secteur de la santé, reconnu pour sa stabilité par les investisseurs avisés, un changement marquant est en cours. Les fonds d’investissement y ont joué un rôle de premier plan dans les opérations de fusions et acquisitions, favorisant ainsi les projets de R&D et soutenant l’innovation dans les dispositifs médicaux. L’année dernière, le marché des fusions et acquisitions dans ce secteur a été volatil, avec des transactions dans la biopharma en baisse de 42 %. Le secteur de la santé dans son ensemble a également connu une réduction substantielle de 62 % de la valeur totale des opérations réalisées. Cependant, l’année en cours est marquée par une reprise notable, les transactions dans la santé représentant désormais 14 % des fusions et acquisitions tous secteurs confondus – une performance jamais vue au cours des deux dernières années. Cette résurgence souligne la résilience inhérente du secteur face aux défis.
Arthur Libier, directeur de Translink Corporate Finance France et membre de l’Industry Group Santé de Translink, partage sa vision sur l’état actuel de l’activité M&A dans le secteur :
- Quels sont les principaux facteurs qui alimenteront les activités de fusions et acquisitions dans le secteur de la santé en 2023 ?
Nous assistons à une forte activité de fusions et acquisitions dans ce secteur, principalement en raison :
- Des opportunités de croissance dans le secteur de la biologie : celles-ci sont nourries par l’innovation constante dans les thérapies cellulaires, l’ARNm, l’informatique, les technologies numériques et la gestion des données.
- Des réserves de fonds: les acteurs dans la santé disposent d’une réserve de fonds importante accumulée au cours de la période de COVID-19. Celles-ci sont prêtes à être injectées dans les opérations de M&A.
- Une correction du marché : deux années de contraction du marché (2021-2022) ont provoqué la diminution des valorisations du secteur, alimentant l’appétence des investisseurs tout en préservant l’avantage qu’ont des acquéreurs industriels.
- L’expiration des brevets : de nombreux brevets pharmaceutiques, parmi les plus vendus, sont sur le point d’expirer, ce qui obligera les grands groupes pharmaceutiques à considérer des investissements dans des innovations à ajouter à leurs portefeuilles, en plus des développements thérapeutiques internes pour continuer à créer de la valeur.
- Les PME se tournent vers les fusions et acquisitions: l’accès limité au financement bancaire oblige les PME à recourir au M&A pour assurer leur croissance et/ou leur financement.
- Quelle est la tendance de l’activité M&A cette année pour le secteur de la Santé ?
Le marché des M&A a connu une année mitigée en 2022. Au cours des 11 premiers mois, les montants investis dans les opérations de M&A ont chuté de 53 % par rapport à leur niveau de 2021 (12 mois). Au total, 117 transactions ont été conclues, soit une baisse de 27 % par rapport à 2021. La valeur des transactions de fusions et acquisitions dans l’industrie biopharma a également chuté de 42 %, l’accent étant davantage mis sur les alliances que sur les acquisitions. La medtech, de son coté, a connu une pénurie de personnel, une augmentation des coûts et des difficultés d’approvisionnement.
Au total, la valeur des opérations de fusions et acquisitions dans le secteur de la Santé a chuté de 62%.
Malgré la période difficile et incertaine en Europe, l’année 2023 entrevoit une reprise pour les opérations dans ce secteur. La Santé représente 14 % de l’ensemble des opérations M&A tous secteurs confondus à la mi-année. Cela équivaut à 174,6 milliards de dollars (157 milliards d’euros) sur l’ensemble des opérations annoncées ; le bilan le plus élevé depuis deux ans.
- Quels sont les obstacles à la réalisation de transactions ? Comment les acteurs du secteur peuvent-ils les surpasser ?
Plusieurs facteurs peuvent empêcher la réalisation de transactions dans le secteur, notamment le cadre réglementaire strict, l’incertitude entourant les politiques de santé et la déconnection des valorisations. Les principaux obstacles au développement du M&A sur ce marché sont les suivants :
- Si la santé reste un secteur clé, des indicateurs nationaux doivent être pris en compte. En France, deux particularités sont à considérer : (i) les prix restent parmi les plus bas d’Europe pour les produits de santé et de plus (ii) il existe une incertitude sur la loi de Finance 2024 qui ouvre la porte à une réduction des budgets alloués à la santé et à une réduction des remboursements.
- L’intervention des législateurs aura des impacts incertains sur les prix des médicaments, l’accès au marché, les réglementations antitrust et les investissements étrangers en France.
- Les alliances, plutôt que le M&A « traditionnel », pourraient devenir une priorité stratégique car elles permettent d’accéder à des compétences complémentaires et présentent moins de risques.
- Malgré la baisse des valorisations, les primes restent élevées pour les actifs les plus recherchés.
- Le contexte macroéconomique et la hausse des taux bancaires limitent la capacité à financer les transactions.
- Quels sont actuellement les avantages des acquisitions stratégiques pour les industriels ?
Les principaux avantages que peuvent procurer une acquisition stratégique par un industriel sont :
- Un accès à l’innovation et intégration complète de pipeline pour les industries pharmaceutique et biotechnologique. Les acquisitions peuvent « combler » des lacunes du pipeline (molécules en développement par exemple) ou compléter le portefeuille d’activités avec d’autres innovations thérapeutiques ou technologiques en suivant une stratégie bien définie.
- Des acquisitions peuvent intervenir suite à un échec lors d’une phase d’essai clinique : l’entreprise ayant déjà investi dans la recherche trouvera ailleurs une solution thérapeutique similaire ou proposant une autre manière de traiter la même pathologie. L’immunologie et l’oncologie, qui ont connu récemment des avancées scientifiques majeures, sont deux domaines thérapeutiques qui retiennent actuellement l’attention.
- L’innovation ne vient plus des big pharmas, ces derniers recherchent de plus en plus de brevets à l’extérieur notamment auprès de start-up soutenues par des fonds de capital-risque.
- Les fusions et acquisitions dans le secteur de la santé sont tirées par les innovations en matière d’IA et de e-santé. La e-santé présente des opportunités prometteuses pour moderniser le secteur, transformer durablement les pratiques et entrevoir la médecine de demain.
- Enfin, les fabricants recherchent des opportunités, en partie parce que les brevets de nombreux médicaments les plus vendus expireront dans la seconde moitié de la décennie.
- L’activité de fusions et acquisitions sur le marché des compléments alimentaires a-t-elle ralenti depuis la fin de la pandémie ?
Le secteur de la distribution de compléments alimentaires a connu une concentration et un dynamisme important, avec le lancement de nouveaux produits, de nouvelles marques et le développement de nouvelles méthodes de distribution au cours de la dernière année. Portées par une forte croissance, les opérations de ce sous-secteur se caractérisent par des multiples de valorisation élevés pour les transactions M&A. Il n’y a pas eu de « ralentissement » dans ce segment de marché jusqu’à présent.
- Avons-nous vu des avancées technologiques majeures en matière de soins en 2023 ? Quel est l’impact sur les fusions et acquisitions ?
Oui nous avons vu des avancées majeures dans le segment de la e-santé, notamment dans la gestion des données (dossiers médicaux partagés, messagerie de santé sécurisée). La e-santé renforce et simplifie l’accès aux soins : meilleure connaissance de l’offre, amélioration de l’accessibilité. Le développement de nouveaux services favorisant l’autonomie du patient est également rendu possible grâce à la e-santé.
Les start-ups sont également sources de progrès, ce qui stimule les activités de fusions et acquisitions à mesure que les grands groupes cherchent à acquérir les technologies qu’elles développent.
- Quel est l’impact de l’inflation sur les fusions et acquisitions dans le secteur ?
L’inflation impacte profondément l’accès au financement (hausse des taux d’intérêt) et crée également un sentiment de méfiance face à une possible récession. Cela limite l’appétit des entreprises pour les opérations de M&A/croissance externe et impacte également les valorisations. Ce contexte pourrait entraîner des stratégies M&A plus prudentes.
Translink Corporate Finance France dispose d’une équipe d’experts dans le secteur de la santé, avec une une connaissance approfondie des acteurs. L’équipe accompagne ses clients dans leurs réflexions stratégiques et dans la gestion complète de leurs opérations M&A.
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